Â
2005 – Jean Louis Charmolüe, le propriétaire du château Montrose à Saint-Estèphe, avec qui j’ai travaillé pendant près de 20 ans, me demande d’organiser un évènement, à la fois percutant et original.
La synchronicité est quelque chose de tout à fait extraordinaire : je venais de rencontrer le biographe de Salvador Dali, Robert Descharnes. Photographe, Il a côtoyé le Maître pendant plus de 40 ans… Je lui ai parlé d’une possibilité d’organiser pour lui, à Bordeaux, une expo de ses images. Il s’est tout de suite emballé ! Il m’a invité chez lui à Azay le Rideau, m’a remis les clefs de sa photothèque et m’a « laissé faire ». Sur le thème « Dali intime », j’en extrayais 100 images, agrandies et tirées sur papier baryté, encadrées par Boesner. J’aménageais la salle de dégustation avec un décor et un code couleur tout à fait adapté pour l’expo : rouge et or. Le soir du vernissage, tout le médoc était là . Robert Descharnes est venu signer le catalogue de l’exposition édité par mes soins et destiné à faire un don, en échange à la Ligue contre le cancer dont le président était également présent durant cette soirée. Ai-je le droit de dire que les invités ont été particulièrement pingres ? L’expo a duré près de 3 mois, et a été un franc succès. Et que vois-je aujourd’hui Place Jean Moulin à Bordeaux?
En remerciements, j’ai offert à Robert Descharnes les 100 tableaux, qu’il a aussitôt transformé en expo itinérante, en commençant par Barcelone, l’année suivante…
Â2010 – J’ai fréquenté pendant plus de 30 ans, ce personnage singulier, graveur de son état. Nous avons partagé beaucoup de bouffes et beaucoup d’alcools ensemble. Il a eu les honneurs du musée des beaux arts de son vivant : c’est dire le talent de cet homme. Ce jour d’août, en sortant de table, nous avions improvisé ce film, dans son atelier, lui à la voix off et moi avec ma petite caméra de poche. Pour ceux qui connaissent l’accent de Bacalang’cong, on s’est bien marrés ?
Â
1995 – Mon partenaire-rédacteur de l’époque me glisse à l’oreille qu’en face de Parker, il n’y a personne… Et si on créait un comité d’experts 100 % bordelais pour contrebalancer son hégémonie ? Sans hésiter, je décroche mon téléphone et contacte, dans l’ordre : Michel Rolland, Denis Dubourdieu, Franck Dubourdieu, Philippe Faure-Brac, Yves Glories (doyen de la faculté d’œnologie à l’époque), Jean-Marc Quarin – déjà influent dans les coulisses du vin – et une dizaine d’autres. Tous répondent présents ! L’idée : se réunir une fois par mois, dans un lieu neutre, pour déguster et noter à l’aveugle des vins de Bordeaux, sans pression des propriétaires. Le vin, rien que le vin, sans étiquette ni origine.
À l’époque, l’idée qu’un Américain, élevé au fast-food et au Coca-Cola, dicte le goût du Bordeaux agaçait profondément. Une grande partie des producteurs s’opposait à cette mode d’un goût standardisé, saturé de bois neuf à 200 %. Aujourd’hui, on constate les dégâts de cette vision absurde dans certaines bouteilles. Avez-vous déjà dégusté des millésimes des trente dernières années à l’aveugle ? Parfois, c’est du jus de barrique avec à peine quelques arômes résiduels, sans parler des éléments exogènes détectés dans certains « grands vins »…
Dans notre publication, les règles étaient claires et affichées en une : chaque numéro proposait deux thématiques – une dégustation horizontale de dix vins d’un même millésime et une verticale d’un domaine – le tout à l’aveugle, en explorant deux appellations girondines (par exemple, Pomerol et Côtes de Francs). J’ai édité onze numéros, diffusés en kiosque à l’échelle nationale, sans aucune publicité dans les pages. Le comité s’en donnait à cœur joie ! Les moindres défauts, qu’il s’agisse de trichloroanisole ou de notes herbacées, étaient impitoyablement décelés. Résultat : certains vins écopaient de notes sévères, que je refusais de truquer. Je publiais les résultats accompagnés d’une synthèse des commentaires des dégustateurs. Cela n’a pas plu à tout le monde. Quelques châtelains, outrés, m’ont fait parvenir des menaces anonymes par téléphone – du grand courage ! Dégoûté, je finis par jeter l’éponge, me disant qu’ils ne voulaient entendre que des louanges sur leurs vins. J’ai alors relancé à fond Bordeaux News. L’aventure a tout de même duré jusqu’en 2014. Pas mal, non ?
2013 – Ma professeure de mandarin insiste pour me présenter une « amie ». Dès notre rencontre, je ressens une impression négative : elle ne m’inspire aucune confiance. Malgré mes réticences, ma professeure, obstinée, organise un dîner à trois. Au cours de ce repas bien arrosé, elles se laissent emporter par un projet ambitieux, comme seuls les Chinois savent en concevoir : éditer une encyclopédie du vin en Chine. Rien de moins !
Quelques jours plus tard, cette « amie », qui ne manque pas de flair, me contacte avec une proposition concrète. Elle a acquis la licence d’édition en Chine du Grand Larousse du vin en mandarin simplifié. Admettant ne rien connaître à l’édition, elle me propose un deal : je m’occupe de la création du contenu, réactualisé en français, puis traduit en mandarin avec une équipe de traductrices gérée par mon assistante, jusqu’à la remise des PDF validés pour l’impression. De son côté, elle se charge de l’impression et de la distribution en Chine. L’opportunité est trop belle : je saute dessus, convaincu que mes clients me suivront dans cette aventure chinoise.
Je mobilise mes contacts, relance les plus dynamiques et prospecte au-delà de ma zone habituelle de Bordeaux. Résultat : 50 sponsors, venant des États-Unis, d’Amérique du Sud, d’Espagne, de Bourgogne, de Provence… Un budget suffisant pour rémunérer les équipes de rédacteurs français et chinois, tout en couvrant mon rôle de chef de projet, commercial, promoteur des vins de France et du cognac en Chine, et concepteur des annonces publicitaires en mandarin. Tout est prêt pour le grand lancement prévu à Vinexpo 2013, un événement que mes clients attendent avec impatience.
Un mois avant le salon, mes équipes et moi finalisons tout : les PDF du contenu du Larousse, validés en français puis traduits en mandarin, ainsi que les bons à tirer (BAT) des 50 sponsors. Tout est parfait pour l’impression. Mais c’est là que les choses se gâtent. L’« amie » lit la première page et déclare sans détour : « Je ne suis pas d’accord avec la traduction. » Agacé, je lui réponds qu’elle n’a qu’à traduire elle-même les 650 pages, validées par les rédacteurs français et les traducteurs chinois, alors que Vinexpo approche à grands pas. Du haut de son mètre trente, elle me rétorque avec aplomb : « C’est moi l’éditeur, c’est moi qui décide comment et quand le Larousse sera publié. Peut-être l’année prochaine, ou dans deux ans. » Panique à bord : je pense à l’équipe que je dois payer et aux 50 sponsors qui attendent leurs justificatifs pour Vinexpo.
Mais mon subconscient me guide vers une solution. Je réalise qu’il existe deux versions du mandarin : le simplifié et le traditionnel. J’appelle le service des droits internationaux de Larousse à Montparnasse et leur demande quel type de licence a été acheté. Réponse : le mandarin simplifié. Et le traditionnel ? La licence est libre ! Sans perdre une seconde, je prends un TGV pour Paris et acquiers la licence du Grand Larousse du vin en mandarin traditionnel. Depuis, je suis l’éditeur officiel de la ??? ???????. Et cerise sur le gâteau, j’ai appris à dire « ?? » en mandarin – une petite satisfaction personnelle !
Laisser un commentaire